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Être un travailleur étranger temporaire au Québec: Droits et défis 

Image de l'article être un travailleurs étranger temporaire au Québec

Par Pablo Benitez Mesa, stagiaire en droit 2021-2022 

 

Fort trop souvent, s’ajoute au défi d’immigrer, des situations d’abus et de harcèlement au travail. L’expression « travailleur étranger temporaire » (ou TET) désigne une personne qui possède un permis de travail l’autorisant à entrer au Canada, y séjourner pendant une période de temps déterminée et limitée, et s’adonner à une activité rémunérée (1). En théorie, les travailleurs étrangers temporaires possèdent les mêmes droits et obligations que tous les autres travailleurs au Québec. Cependant, la réalité semble tout de même faire défaut à la théorie. Les travailleurs étrangers temporaires, ou du moins les problématiques qui les entourent, ne peuvent être ignorés de par le simple poids démographique qu’ils représentent au Québec tout comme au Canada. Les recensements les plus récents de Statistique Canada indiquent qu’à compter de 2017, 550 000 travailleurs étrangers temporaires étaient au Canada, représentant près de 3% de l’entièreté des personnes employées sur le territoire (2). À première vue, ce chiffre peut paraître plutôt insignifiant, mais dans certains milieux de travail le portrait est tout à fait différent. Effectivement, dans les secteurs de la foresterie, de la pêche ou de la chasse, c’est près de 16% de la main d’oeuvre et dans le secteur agricole 28% des employés qui sont des travailleurs étrangers temporaires. De plus, ces chiffres ne font qu’augmenter depuis le début de la pandémie Covid-19 (3). 

 

La dure réalité 

Malheureusement, la réalité qui nous entoure en est une où les abus portant sur les conditions de travail de ces travailleurs sont omniprésents: paiements de salaires inférieurs à ceux convenus au préalable, non-paiement des heures travaillées, désinformation intentionnelle des travailleurs, refus de soins médicaux, pour n’en nommer que quelques-uns. L’un des obstacles le plus flagrant est l’accès à la justice, soit la possibilité pour les travailleurs de revendiquer leurs droits. En fait, l’on retrouve un nombre très limité de dossiers judiciarisés en matière d’emploi impliquant des travailleurs étrangers temporaires. Cet écart marqué entre le nombre d’abus non-dénoncé et le peu de plaintes ou réclamations déposées s’explique non seulement par les difficultés générales qui sous-tendent l’accès à la justice pour les recours salariés-patronaux, mais également par des enjeux spécifiques et uniques pour les travailleurs étrangers temporaires. En effet, diverses études et recueils de témoignages auprès de la population visée démontrent que bien d’autres facteurs entrent en jeu. Lorsqu’un travailleur est lié à son employeur par un permis de travail fermé, le déséquilibre de pouvoirs général entre l’employeur et son employé s’intensifi davantage. 

 


 Parenthèse terminologique : Un permis de travail fermé vous autorise à travailler pour UN SEUL ET UNIQUE EMPLOYEUR au Canada. Il n’est point possible de travailler pour aucun autre employeur sans modifier les conditions du permis de travail au préalable, ce qui engendre des coûts et des délais que plusieurs employeurs ne veulent défrayer (4).


De plus, les craintes à l’égard de la sécurité de l’emploi, de l’effet d’une plainte sur leur statut ou leur processus d’immigration ou encore de la confidentialité du processus de plainte représentent d’autres facteurs qui freinent le nombre de plaintes déposées par des travailleurs immigrants (5) 

 

Permis alternatifs au permis de travail fermé 

En réponse à cette réalité difficile où les abus de la part des employeurs sont fréquents, des solutions s’offrent aux travailleurs étrangers temporaires. Tout d’abord, dans certains cas, il est possible d’obtenir un permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables. Concrètement, cela permet aux travailleurs détenteurs d’un permis de travail fermé de changer de type de permis de travail et donc de changer d’employeur. Ce mécanisme permet au travailleur immigrant d’atténuer les risques liés à quitter un emploi de manière irrégulière tout en favorisant l’accès au droit fondamental d’un milieu de travail sain et sécuritaire (6). D’autre part, ce permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables permet également aux autres membres de la famille du demandeur de bénéficier de ce même permis de travail. 


Pour plus d’informations… 

Permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/travailleurs-vulnerables.html 


Une autre option est le permis de travail ouvert transitoire. Ce dernier permet encore une fois à un travailleur étranger temporaire de bénéficier d’un permis de travail ouvert, pouvant donc changer d’employeur tant et aussi longtemps qu’il est en cours de procédure pour obtenir sa résidence permanente (7) 

 


 Pour plus d’informations… 

Permis de travail transitoire : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/travailler-canada/prolongation-permis/permis-travail-ouvert-transitoire.html 


 

Bouleversement Covid-19 

Finalement, la pandémie Covid-19 a également été une période de bouleversement pour les travailleurs étrangers temporaires. De telles périodes d’instabilité économique frappent fortement les travailleurs détenteurs de permis de travail fermé, ne pouvant pas changer d’employeur malgré une fermeture ou cessation des opérations de l’entreprise, par exemple.  

Concurremment, cette période a également marqué l’arrivée d’un nombre de travailleurs étrangers temporaires extrêmement important suite à la modification des exigences du gouvernement Legault au mois d’août 2021. Ces modifications ont été faites afin de favoriser le recrutement de travailleurs étrangers temporaires (8). Par exemple, en vue de combler la pénurie de main-d’œuvre, il est possible d’embaucher un nombre de travailleurs étrangers temporaires équivalent à 20% des salariés au sein d’une même entreprise, tandis qu’auparavant la limite était fixée à 10% (9) 

 Pour en savoir davantage sur ces enjeux, nous vous invitons à lire les témoignages de travailleurs étrangers temporaires qui ont dû faire face à cette réalité qui ne peut être ignorée, car le harcèlement au travail, indépendamment de notre statut en tant que travailleur au Québec, ça fait partie d’la job! 

 

Témoignages de travailleurs étrangers temporaires 

La face sombre du recrutement de travailleurs étrangers temporaires: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1824317/immigration-quebec-penurie-travailleurs-canada-legault 

 

 


(1) https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/conditions-travail/categories-travailleuses-travailleurs/travailleuses-travailleurs-etrangers-temporaires

(2) https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-626-x/11-626-x2019016-fra.htm

(3) https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-626-x/11-626-x2019016-fra.htm

(4) https://pvtistes.net/canada-permis-de-travail-ferme- ouvert/#:~:text=Un%20permis%20de%20travail%20ferm%C3%A9,un%20permis%20de%20travail%20canadien.

(5) https://commons.allard.ubc.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=1446&context=fac_pubs

(6) https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/bulletins-guides-operationnels/residents-temporaires/travailleurs-etrangers/travailleurs-vulnerables.html

(7) https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/travailler-canada/prolongation-permis/permis-travail-ouvert-transitoire.html

(8) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1814760/travailleurs-temporaires-entente-immigration

(9) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1824317/immigration-quebec-penurie-travailleurs-canada-legault

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